Entrevue avec Juliane Le Pouézard et François Ollivier


Confinement et art floral

Duo inspiré et inspirant s’il en est un, Juliane Le Pouézard et François Ollivier ont pondu une série florale tout en délicatesse, qu’ils ont discrètement dévoilée à l’orée du printemps. Et du déconfinement. En toute générosité, ils nous font part de leur démarche créative conjointe et de ce qui nourrit leur créativité, à l’aube d’accueillir un nouveau-né. 

Collaboration spéciale : Annie Alix Paré

Juliane, toi qui est directrice de production dans la vie, qu’est-ce qui t’as incité à entreprendre ce projet créatif? 

Cela fait une dizaine d’années que je travaille dans un domaine créatif, sans créer moi-même. J’ai toujours fait des petits trucs de mes mains à la maison, un peu de dessin, un peu de photo, pas bien sérieusement. Cette série photographique avec François est un work in progress qui se fait doucement, de façon très spontanée. Nous n’avons pas de « plan », de calendrier. J’ai commencé à m’intéresser aux fleurs l’an dernier par le biais de livres, de comptes Instagram. Je me souviens qu’au cours de l’hiver, je me suis demandée pourquoi je n’avais pas pensé aux fleurs avant… qui s’imposent maintenant comme une évidence. J’ai plongé dedans, jusqu’à m’inscrire à une formation professionnelle à l’automne dernier. Cependant, le rythme du DEP ne convenait pas tout à fait à mes aspirations. En attendant de trouver une autre formation pertinente, j’ai eu envie de jouer avec des fleurs et qu’on en fasse quelque chose avec François. C’est comme ça qu’on a shooté ensemble une première scabieuse blanche sur fond noir, et puis on a fait d’autres trucs, à notre rythme. 

Pourquoi opères-tu la direction artistique sous le nom Saint-Gilles

Saint-Gilles, c’est un lieu familial qui me tient très à coeur depuis 35 ans. Des souvenirs de fleurs, des oeillets de poète sur une table en formica. 

Le projet est présenté ainsi : “La route n’est pas toute droite, mais les fleurs ne sont jamais loin”. Qu’est-ce que ça signifie ? 

Depuis un an, il y a eu des bifurcations inattendues sur le chemin : l’école que j’ai laissé tomber, dans la foulée je me suis inscrite à une reconversion intensive à l’École des Fleuristes de Paris pour mars 2020, et entre temps… un petit humain a commencé à pousser dans mon ventre, puis la pandémie a remué l’année, pour tout le monde. J’y vais pas à pas, une chose après l’autre. 

Comment procèdes-tu pour sélectionner les objets, les fleurs et déterminer les compositions ?

Je fais un peu avec ce qui me tombe sous la main, je garde des choses (trop), je me perds sur Internet, Instagram, j’y ramasse des images (trop) que je perds et oublie, je cueille ou achète des fleurs un peu n’importe où et n’importe quand. Dans la prochaine année, j’ai envie de collaborer avec des créateurs d’objets, des designers, des céramistes, des stylistes pour la direction artistique : il va falloir que je sois un peu plus structurée, mais je veux garder cette approche la plus libre possible, trouver mon style sans me mettre de pression folle. 

Sur les fleurs : on remarque qu’elles sont au point limite de leur fraîcheur. Est-ce un choix de les présenter ainsi, et pourquoi ?

Disons spontanéité… et procrastination ! C’est juste que parfois j’achète des fleurs et je les laisse trainer un peu. Je trouve ça beau, une fleur qui a un peu vécu. J’aime autant une tulipe encore fermée qu’un dahlia qui boude un peu. 

Comment est-ce que le projet a évolué en un an ? 

Par phases : parfois il dort pendant un moment, mais il est toujours quelque part. Dans ma tête, il y a le design floral, mais aussi la production de fleurs, la culture en terre. Au fur et à mesure, je découvre ce dont je n’ai pas envie, et ce qui me semble plus évident. 

Y a-t-il des natures mortes qui t’ont inspiré ? 

J’ai tendance à glaner des images, les épingler et les oublier, donc je me rappelle rarement d’un visuel précis qui m’aurait inspirée. Néanmoins, chez les designers floraux, je suis très fan du travail de Mary Lennox (Berlin) et Claire Boreau (Paris). Il y a une game vraiment hallucinante en Europe. Je pense notamment à des jeunes gars à Paris qui font des choses très nouvelles, décomplexées. Mais ce qui m’inspire le plus c’est la peinture et la photographie, très clairement. Ça va de Fantin-Latour à Irving Penn en passant par les vanités hollandaises du XVIIe siècle, Schiele, Aaron Tilley… Et aujourd’hui, une nouvelle génération de photographes comme Maisie Cousins, Marguerite Bornhauser, Julie Vallon… Pas mal juste des filles, hein ? 

Est-ce une première collaboration entre vous? 

F – On collabore fréquemment aussi sur des mandats commerciaux publicitaires ou éditoriaux. Juliane m’aide beaucoup dans la production des shoots et son avis créatif et son soutien constant comptent énormément. Notamment au niveau de sa culture photographique est bien supérieure à la mienne : c’est elle qui me dit si ce que je suis en train de faire est pourri ou pas.


J – François est la personne qui m’inspire le plus au monde, il a cette ce talent de rendre le banal plus grand, plus beau. Et il ne cède pas à la facilité, à la paresse : sa curiosité ne s’endort jamais. C’est stimulant de partager sa vie avec quelqu’un qui te pousse à garder les yeux ouverts, et qui t’encourage. J’espère bien qu’en plus de devenir prochainement des parents, on va continuer à grandir ensemble créativement ! On y compte bien, et les fleurs feront définitivement partie de l’équation. 

Vous pouvez découvrir la série complète en ligne sur https://www.behance.net/gallery/101107673/Flowers-2019-2020

François Ollivier, après de multiples récompenses de l’industrie de la publicité ainsi que des collaborations avec le New York Times, The Washington Post, Apple. Monocle, Condé Nast, quels sont les projets à venir qui t’enthousiasment le plus? 

Il y’en avait plein cette année… ils sont quasi tous tombés à l’eau. 2020 partait super bien financièrement (pour une fois !) et ça me laissait la tranquillité d’esprit pour investir du temps, de l’énergie voire de l’argent dans des projets persos qui n’en rapportent pas ainsi que dans des collaborations vraiment trippantes. Mais je perds pas espoir, j’espère qu’une collaboration avec le magazine français Regain (nouvelle agriculture) se concrétise. C’était l’occasion de couvrir un sujet en photo et d’écrire moi-même l’article. 

Dans les projets plus concrets, je continue de collaborer avec le New York Times. Un sujet sur le Maroc et la culture du safran est prévu pour le EnRoute de septembre. Je suis impatient de le voir vivre après l’avoir shooté en novembre dernier. 

Mon projet de 2019 sur le Corso Fleuri qui a lieu depuis 100 ans dans mon village natal devrait être publié au Québec dans le magazine Bosquet. 

Dans les plus flous, j’ai un projet de création sur l’environnement que j’ai commencé à écrire et à maquetter, des installations absolument pas covid friendly avec plein de gens donc ça devra attendre un petit peu. C’est des balbutiements mais ça serait photo et vidéo. 

À part ça, je vais tenter de documenter notre nouvelle vie avec enfant de la manière la moins quétaine possible. Dad mode activated. 

Quelles plateformes suivez-vous à titre d’inspiration ? 

F : On achète pas mal de bouquins, on essaie de sortir au musée et ma mère m’envoie moult coupures de presse du Monde par courrier postal…, des trucs qu’elle trouve intéressant de me partager et elle a bien souvent raison ☺ 

Internet canalise pas mal de sources et permet d’éviter certains écueils de déjà-vu, même si ça remplacera jamais la contemplation et la vibration d’une œuvre physique. 

J : Il m’arrive régulièrement de faire de la recherche visuelle et des books pour des campagnes publicitaires : dans le processus, je vois énormément de photos et de vidéos, et je tombe souvent par hasard sur des images qui n’ont pas rapport avec ma recherche initiale mais qui m’allument, et que je garde dans un coin de ma tête. Comme François, je passe aussi pas mal de temps à flâner sur Internet, et à feuilleter des livres (merci les Bibliothèques de Montréal), sans pratique volontaire d’inspiration, sans démarche particulière. Et j’adore les coupures de presse de sa mère ! 

S’il était possible d’acquérir (ou de visiter!) une seule oeuvre d’art, budget illimité et sans aucune contrainte logistique, laquelle serait-elle ? 

F : Des montagnes avec une installation de Christo, ou le Jardin des Délices de Bosch.

J : Il y en a trop ! La Vie de Marc Chagall, toutes les photographies de Ed Van Der Elsken, les piscines de Hockney, ou un skyspace de James Turrell. 

Comment t’es tu tenu.e inspiré.e pendant le confinement ? 

F : j’ai essayé de créer et de shooter à la maison au maximum plus que de m’inspirer en fait. Y’a eu quelques projets de confinement collaboratifs intéressants quand même mais c’était tellement bizarre comme période que ma curiosité n’était pas vraiment développée. Ça a permis d’improviser avec les moyens du bord, de travailler des des natures mortes etc. Si ma pratique photographique a bien un avantage, c’est que je n’ai pas forcément besoin d’un studio ou de modèles. Je me suis remis a jouer beaucoup de guitare aussi. 

J : J’avoue que le confinement a été une période très particulière pour moi, du fait d’avoir vu mon ventre s’arrondir au fil de ces mêmes semaines. Ça a été une sorte de parenthèse (dans laquelle je suis encore), où je me suis beaucoup concentrée sur ma forme, mon bien-être et celui du petit humain en création. 

Quelle fut la première visite qui s’est imposée une fois le confinement levé ? 

F : Les amis et le dentiste. 

J : Presque pareil ! Les amis proches, pour un dimanche de retrouvailles dans la ruelle, une vraie bouffée d’air frais ! Et mon ostéopathe. 

Où peut-on suivre ce que vous faites ? 

F : Mon site (francoisollivier.com) pour présenter des projets ficelés et du travail de commandes, mais mon Instagram est plus dynamique, comme un journal spontané. Ça serait la plateforme que je recommande pour quiconque désire suivre mon travail.

 J : Je n’ai qu’un Instagram très timide pour le moment… un pas après l’autre 🙂

IVallee
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